Nos clients s’interrogent régulièrement à propos des questions qu’on leur pose dans le cadre de la gestion de leurs avoirs, notamment suite à un versement sur contrat (ce qui suit vaut pour les assureurs et les banques).
En Europe, la législation anti-blanchiment s’est considérablement renforcée au fil des années. Des pouvoirs très étendus et non contrôlés ont été volontairement attribués par le politique aux autorités de contrôle. Globalement, cette législation oblige les intermédiaires financiers à dresser un profil de risque de leurs clients. On parle ici d’un profil lié au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme. Ces institutions, responsables pénalement, sont donc devenues des neo-gendarmes embrigadés de force dans un système dont les chiffres publiés montre les failles.
En effet, un nombre impressionnant de procédures ont dû être mises en place pour effectuer les contrôles adéquats. Cela a touché tous les intermédiaires qui voient passer des fonds. On pense évidemment aux banques, mais cela concerne aussi les assureurs, les notaires, les gestionnaires de patrimoine, les avocats, les huissiers de justice, etc… Chacun doit participer au système et mettre en place des procédures d’autant plus lourdes que vous êtes une petite structure.
Est-ce que ça marche ?
Au final, la question est évidemment de savoir si tout ce barnum est efficace. Le rapport 2023 de la CETIF (l’organe qui reçoit les dénonciations obligatoires du petit monde financier) donne la réponse (vous pouvez télécharger un résumé donné par Feprabel en cliquant ici). Quasi 90 % des communications proviennent des banques, des organes de crédits et des institutions de paiement. Et c’est normal. Ce qui l’est moins, c’est que les 10 % restants qui sont partagés entre 28 professions différentes sont soumis au même régime de procédure. Passe encore sans doute pour les entreprises d’assurances qui représentent 3 % des signalements. Mais que dire des courtiers d’assurance qui représentent… moins de 0,01 % des signalements ?!
Si après avoir lu ceci, vous vous dites que vous n’êtes pas concerné parce que vous n’êtes pas revendeur de drogue, détrompez-vous : tout le monde est dans le même sac ! En effet, la législation part d’un principe fondamental : tout le monde est coupable et il appartient au consommateur de prouver qu’il est innocent. C’est la stricte vérité qui a été acceptée sans broncher par ceux qui ont voté pour la mise en place de ce système légal.
Au niveau de l’investisseur en assurances
Compte tenu de ce qui précède, peut-être vous dites-vous qu’un investissement en assurance-vie est moins sensible à la fraude qu’en banque (c’est vrai) et donc, moins chargé en suspicion (c’est faux). Pour le citoyen lambda, les seules questions qu’il doit se poser sont les suivantes :
- Jusqu’où peut aller un intermédiaire pour dresser votre profil de risque ?
- Peut-on connaître en connaître le résultat, d’office ou sur demande ?
- Quels justificatifs l’intermédiaire peut-il vous demander comme preuve d’origine des fonds dans le cadre d’une opération ?
- Idem dans le cadre de l’obligation d’actualisation continue de votre dossier ?
Aux questions 1 et 3, la réponse est facile : très loin et ce qu’il veut ! Globalement, le législateur a donné quasi tout pouvoir d’investigation aux institutions. Y compris celui de vous refuser comme client ou de vous remballer si vous ne coopérez pas gentiment. Pour vous en donner une idée, voici le texte relevé tout récemment dans un message de ma banque habituelle : Procédure d’actualisation Il vous sera demandé de confirmer que vos données sont correctes. Vous ne le faites pas ? Après un certain temps, vous ne pourrez plus utiliser votre Banque par Internet et vos comptes et cartes seront bloqués. Vous pouvez débloquer vos comptes et cartes en modifiant vos données si nécessaire et en confirmant qu’elles sont correctes.
Il existe bien un principe de proportionnalité des demandes en fonction des cas, mais il est très difficile de savoir si et comment il est appliqué, et sur quelles bases (para-)légales. À voir la parano des banques et des assureurs, nous sommes très sceptiques quant à une prise de mesures raisonnées. Notre expérience nous montre que ce principe de proportionnalité est largement mis aux oubliettes, tout simplement parce qu’il n’y a aucune limite qui définit ce qui est raisonnable.
Pour tenter d’avoir réponse aux questions 2 et 4, nous avons envoyé le 11 décembre 2022 un mail à deux autorités concernées pour avoir la réponse. Nous l’attendons toujours…
Et alors ?
Cela ne vous plait pas ? Tant pis, mais n’incriminez pas vos correspondants financiers : ils sont responsables pénalement par rapport à leurs obligations légales et ils ne vont pas lever le petit doigt pour défendre votre cause, surtout si elle peut mettre leur business en péril. Le pouvoir de coercition des autorités est largement employé et les amendes tombent, sans aucune autre balise que la bonne conscience des autorités en question. Du coup, plaignez-vous plutôt du côté des politiciens pour qui vous avez votés…
Par contre, vous pouvez souligner votre désapprobation à votre banquier ou votre assureur du fait de la piètre qualité de l’information qu’il vous donne sur un sujet qui vous touche bien plus profondément que vous ne le pensez. Mais ne venez pas chez nous parce que nous devons être les seuls à vous donner ce type d’info, notamment avec notre brochure spéciale sur l’anti-blanchiment, disponible sur notre site.
Notez que la FSMA, notre autorité de contrôle en charge notamment de l’éducation financière des Belges via son site Wikifin (ils font même de la pub à la radio !) ne pipe mot du sujet ! À la question de savoir pourquoi, il m’a été signalé lors d’un salon Finance Avenue que Wikifin était un site généraliste qui ne pouvait aborder tous les sujets. C’est un point de vue…